En France, le contexte réglementaire est particulièrement favorable à la création d’entreprise, depuis quelques années. Il s’en crée des centaines de milliers par an. Pour autant, les chefs d’entreprise, souvent extrêmement impliqués dans la direction de leur affaire, sont généralement un peu perdus lorsque les questions du moment et du montant futur de leur retraite viennent à poindre leur nez. Un état des lieux s’impose.
Le statut de retraité dirigeant
La retraite d’un dirigeant d’entreprise sera différente selon le statut qu’il aura choisi durant ses fonctions de chef d’entreprise. Deux statuts de chef d’entreprise peuvent être principalement distingués, celui d’indépendant, et celui de salarié assimilé. Ces statuts ne font pas que déterminer la fiscalité à laquelle le dirigeant devra se soumettre et le montant des cotisations sociales qu’il doit verser, ils décideront aussi de la future retraite.
1. Les chefs d’entreprise au statut d’indépendant
Dans ce cas-là, le dirigeant est considéré comme un « travailleur non salarié » (TNS). Plusieurs possibilités dans ce cas : il est à la tête d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), ou d’une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), ou encore il est majoritaire d’une société à responsabilité limitée (SARL). Il peut être aussi, et c’est la formule à succès ces dernières années, un entrepreneur individuel (dont micro-entrepreneur).
Le travailleur non salarié, soumis au Régime social des indépendants (RSI), doit s’affilier, pour sa retraite, à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Ils dépendent de la Sécurité sociale des indépendants (SSI) ou de la CIPAV pour les professions libérales, et, pour leur retraite complémentaire, de la SSI pour les artisans, les commerçants et les industriels, de la MSA pour les agriculteurs, et de diverses caisses de la CNAVPL (CARDCDSF, CARPV, CAVOM, CPRN, etc) pour les professions libérales.
2. Les chefs d’entreprise au statut d’assimilé salarié
Dans cet autre cas, le dirigeant est le président d’une société anonyme (SA) ou d’une société par actions simplifiée (SAS), ou d’une Société Coopérative de Production (SCOP), ou encore le gérant minoritaire ou égalitaire d’une SARL.
Pour sa retraite, il est couvert par le régime général comme un salarié, après avoir cotisé, comme lui, au régime général de l’Assurance Retraite ainsi qu’aux régimes complémentaires de l’Arrco (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) ou de l’Agirc (Association générale des institutions de retraite des cadres). Il peut, comme tout salarié, bénéficier des divers dispositifs de souplesse existant actuellement en matière de retraite : préretraite, rachat d’annuités, carrière longue…
Notons qu’il est possible de cumuler les deux régimes de retraite, celui de salarié et celui de non-salarié, par un mécanisme de double affiliation. Cela est rendu possible par des vies entrepreneuriales riches, durant lesquelles un dirigeant aura été à la tête de diverses formes de sociétés.
A quel moment prendre sa retraite en tant que dirigeant ?
1. Partir
Une retraite de base à taux plein ne pourra être perçue par le dirigeant que si d’une part il a atteint l’âge l’égal (60 ans en cas de naissance avant juillet 1951, 62 ans pour les personnes nées en 1955 et après) et si d’autre part il peut justifier d’un certain nombre de trimestres (en 2018, de 160 à 172 trimestres, selon l’année de naissance).
C’est le fruit de la réforme des retraites de 2010. Pour les personnes nées en 1973 et après, 172 trimestres seront nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein (soit 43 années de cotisation).
Si le dirigeant n’a pas, à l’âge de 62 ans, le nombre de trimestres requis, il voit son âge de départ différé pour lui permettre d’obtenir les trimestres manquants.
Si le nombre de trimestres requis n’est pas atteint au moment du départ en retraite, un taux de minoration de 1,25% par trimestre manquant s’applique, tout en étant au maximum plafonné à 22%.
2. Partir plus tôt
Toutefois, si le dirigeant remplit les conditions (en résumé : en plus de disposer d’un certain nombre de trimestres de cotisations, avoir commencé à travailler tôt, c’est-à-dire entre 16 et 20 ans selon les cas), il peut bénéficier du dispositif de la « retraite pour carrière longue ». Ce dispositif permet de partir en retraite au taux plein avant l’âge légal de retraite. Attention cependant: en pratique et après calculs, ce départ anticipé ne sera que de peu d’années, par exemple 58 ans au lieu de 60 ans.
3. Ne pas tout à fait partir
Il est possible pour un dirigeant d’entreprise de cumuler une retraite et un emploi. C’est le « cumul emploi retraite ». Ce dispositif tout à fait légal va permettre au chef d’entreprise de toucher une pension de retraite tout en continuant à travailler, sans cotiser pour cette deuxième partie de carrière.
Cela car il est nécessaire, pour se lancer dans l’aventure d’un cumul emploi-retraite, de faire liquider intégralement toutes ses pensions, qui ne pourront dès lors plus être augmentées par d’éventuelles cotisations ultérieures. Le dirigeant, pour la suite de sa carrière, aura alors tout intérêt à ne plus se voir verser une rémunération, mais à la récupérer sous une autre forme (dividendes, actions…) et à bien étudier le régime fiscal qui va être le sien.
Comment calculer ma retraite de dirigeant ?
Les dirigeants d’entreprise ont rarement une carrière linéaire. Le mieux est de chercher l’information à la source, en demandant à la caisse de retraite du moment un « relevé de situation individuelle ». Ce document, gratuit, disponible sur simple demande, va retracer l’ensemble de la carrière et donner des éléments sûrs en ce qui concerne l’âge possible de départ, étant donné le nombre de trimestres cotisés qui seront indiqués dedans. Le dirigeant aura alors une idée précise de ce que sera sa «retraite de base ». Il doit aussi contacter l’organisme de « retraite complémentaire » : un chef d’entreprise cotise toujours sur deux niveaux, c’est-à-dire pour l’assurance vieillesse mais aussi pour une retraite complémentaire qui est généralement obligatoire.
Des améliorations de la retraite de dirigeant sont possibles, et même souhaitables. Qu’il ait le statut d’indépendant, ou celui d’assimilé salarié, ou les deux, une fois muni d’un chiffre de montant de retraite avec une date de départ possible, le dirigeant va devoir sérieusement réfléchir aux possibilités d’améliorer sa retraite de base. C’est spécialement vrai si le chef d’entreprise est seulement indépendant (TNS), secteur où les pensions sont plus faibles. Les pistes pour améliorer ses revenus quand sonnera l’heure de la retraite sont nombreuses. Ils doivent souvent avoir été déjà mis en place au moment du départ à la retraite, pour être efficients.
Parmi les dispositifs existants, on peut citer l’épargne retraite individuelle du contrat Madelin de la loi n°94-126 du 11 février 1994. Ce texte, ouvert aux dirigeants assimilés travailleurs non-salariés, permet de déduire des cotisations d’épargne retraite de ses revenus. Il y a aussi le portefeuille de valeurs mobilières d’un Plan Epargne Entreprise (PEE), le Plan d’épargne retraite populaire (PERP), le dispositif d’épargne d’entreprise PERE pour les dirigeants assimilés salariés (anciennement dispositif de contrat d’assurance de groupe de l’article 83 du Code général des impôts), la mise en place d’un accord d’entreprise rémunérateur basé sur l’article 39 du Code Général des Impôts, ainsi que le Plan d’épargne retraite collectif (PERCO). Certains dispositifs ne sont pas ouverts aux micro-entrepreneurs, notamment le contrat Madelin, le PEE et le PERCO.
C’est sans doute le moment également pour un chef d’entreprise de réfléchir à la possibilité d’effectuer un investissement immobilier (le fruit des loyers pourra abonder le niveau de sa pension plus tard), ou encore de souscrire à un contrat d’assurance vie (qui lui donnera un capital ou une rente viagère au moment du moment du départ à la retraite). Un chef d’entreprise doit aussi pouvoir compter, dans la plupart des cas, sur la vente de son affaire, au moment de son départ en retraite. Il va alors pouvoir récupérer un capital, et s’en servir pour compléter sa pension.
Pour prévenir une chute sévère de ses revenus au moment du départ à la retraite, le dirigeant d’entreprise doit absolument anticiper ce moment. Une réflexion approfondie sur l’âge possible de départ et le montant auquel il pourra prétendre à cette date le conduiront souvent à revoir son calendrier, et surtout à prévoir des mécanismes de retraite complémentaire en temps et en heure. A ces conditions, le départ sera choisi en pleine connaissance de cause, et serein.
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